Yves Congar prépare le Concile avec Cardijn
Voici un texte du Journal Concilaire du Père Yves Congar, O.P., le théologien bien connu (plus tard Cardinal Congar). Cardijn août 1965 Extrait du Journal conciliaire de Congar
Sur Rome, sur les projets du pape, la Réforme de la Curie, la marche du concile, Cardijn dit ne rien savoir, et je crois qu'effectivement il ne sait à peu près rien. Il dit n'avoir pas reçu une seule fois un papier depuis son cardinalat, le renseignant sur ce qu'on attendrait de lui. Appartenant à la Congrégation des Études et Séminaires, il est allé voir Pizzardo. Il en est sorti effaré. Pizzardo est un néant, dit-il. - Il nous parle de son cardinalat, comment le nonce le lui a annoncé, comment le Pape lui a dit : « Restez Cardijn ! » ; comment, depuis sa pourpre, tout le monde, à Rome, lui sourit, lui fait courbettes (« c'est dégoûtant », dit-il, « c'est ignoble. Je n'aurais jamais cru cela »). Cardijn est très libre ; il reste tout à fait lui-même. Et quel entrain, quel enthousiasme ; quelle santé chez cet homme de quatre-vingt-trois ans ! On parle de la Liberté religieuse,
du schéma XIII, de l'Apostolat des laïcs, des Missions,
des Prêtres. Cardijn a préparé des réactions
sur ces textes ; il compte sur moi, sur nous, pour les éprouver
et les mettre en forme d'interventions conciliaires. Au fond, Cardijn
n'a qu'une idée, mais elle lui est consubstantielle, il lui
est absolument fidèle comme il est fidèle à
soi-même. Elle éclaire tout. Sa grande idée
est de partir du réel, du concret. Il faut prendre les hommes
tels qu'ils sont. Il reproche au nouveau schéma sur l'apostolat
des laïcs de commencer par distinguer des espèces de
l'apostolat, de proposer une « spiritualité des laïcs
». Si j'avais commencé ainsi, dit-il, je n'aurais rien
fait. Je n'ai pas rencontré de gens à qui ces schèmes
puissent s'appliquer. Il faut toujours commencer par prendre les
hommes tels qu'ils sont, sans vouloir plaquer sur eux nos cadres,
nos idées, nos exigences. Il faut que cela vienne d'eux,
il faut que ce soit authentique pour eux. Quand on part d'un système,
on se forme facilement l'idée qu'avec tels ou tels hommes
il n'y a rien à faire. Et l'on ne fait rien. Cardijn enseignait
dans un séminaire ou une école quand le cardinal Mercier
l'a nommé vicaire à Laeken. Il fut mal accueilli par
son curé-doyen qui projeta d'emblée sur lui les étiquettes
: pas de santé, ne parle pas flamand, vient d'un séminaire
et ne connaît rien ! Or il y avait un quartier de gens pauvres
où ni le doyen ni aucun prêtre n'était jamais
allé : « Il n'y a rien à faire ! » Et
comme Cardijn exprimait son intention d'y aller : « Ils ne
vous recevront pas. » Or Cardijn y alla dès le lendemain,
on lui ouvrit, il but le café : un an après, il avait
un groupe de mille femmes catholiques de ce quartier ! Après le départ du cardinal, que nous reconduisons le 5 à son avion de 13 h 40, nous nous distribuons le travail, le P. Féret et moi. Le 10, je lui envoie un projet d'intervention sur la Liberté religieuse. (Texte grâce à Eric Mahieu) |
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