Leçons
données aux Journées Sacerdotales de Vienne,
les
3 et 4 janvier 1938
Un
type achevé d'Action Catholique
Notre
Saint Père le Pape a daigné appeler la J.O.C. « Une forme
authentique, un type
achevé de cette Action Catholique
qui est l'idée maîtresse de son Pontificat ».
Permettez-moi,
bien simplement, dans cette introduction de vous donner quelques
caractéristiques essentielles de la
J.O.C., afin que nous puissions examiner loyalement si ces
caractéristiques sont conciliables —
comme je le crois —
aux situations des différents pays.
Pas d'à priori
D'abord
nous devons bien nous convaincre que dans la J.O.C.— comme dans
toute l'Action Catholique — il
n'y a rien d'à priori,
rien d'arbitraire, rien d'artificiel, rien de capricieux, ni
dans l'organisation, ni dans l'action, ni dans la formation, ni dans
les méthodes.
Tout,
dans la J.O.C. — organisation,
action, formation, méthodes, rôle des
dirigeants laïcs, rôle des aumôniers —
tout, est commandé par le problème qui
est posé devant l'Eglise dans tous les pays modernes, problème de
la solution duquel dépend l'avenir de toute la classe ouvrière et
par conséquent en grande partie de toute la société, problème que
nous appelons :le
problème de l'adolescence et de la jeunesse salariée.
Le problème de l'adolescence et de la jeunesse
salariée
1. — Dans
tous les pays du monde, à un âge déterminé — 12, 13, 14, 15
ans, — des milliers de jeunes gens et de jeunes filles quittent
l'école pour commencer leur vie de travail salarié. Ces jeunes
débutants au travail composent toute la classe ouvrière de demain.
A
partir de ce moment — le
passage de l'école au travail salarié —
pour ces milliers de jeunes travailleurs et
de jeunes travailleuses se posent des
problèmes de vie, se manifestent des
besoins de vie, existent des
difficultés et des
dangers de vie,
qui ont sur leur avenir temporel et sur leur destinée éternelle une
influence décisive. Problèmes,
besoins, difficultés, dangers de vie religieuse, morale,
intellectuelle, physique, sentimentale, familiale, professionnelle,
sociale, civique.
Ces
problèmes, ces besoins, ces difficultés et ces dangers ne sont, ne
l'oublions jamais, ni arbitraires,
ni accessoires ; ils ne proviennent pas de la mauvaise
volonté des jeunes travailleurs, ni des parents, ni de n'importe
qui. Ils proviennent de l'âge
de ces jeunes travailleurs et de ces jeunes travailleuses ; des
conditions de leur vie journalière ; des conditions du
milieu où ils vivent et où ils
travaillent ; des institutions
publiques et privées qui les
influencent ; de la masse
ouvrière qui les entoure. Ces problèmes, ces besoins, ces
difficultés, ces dangers — concrets,
pratiques, immédiats — parce
qu'ils concernent leur vie journalière et habituelle ont —
je le répète —
une influence
décisive sur la masse de ces jeunes
travailleurs, c'est-à-dire sur toute la classe ouvrière de demain.
Une grande détresse
En
fait, nous devons le reconnaître, en Belgique, en France, dans la
plupart des pays où nous avons pu faire une enquête, cette
influence a été désastreuse. La masse des jeunes travailleurs et
des jeunes travailleuses de 14 à 25 ans, ont vécu et vivent encore
pour la plupart dans une détresse
religieuse, morale, intellectuelle,
professionnelle et sociale qui est un
scandale et une honte pour notre civilisation moderne et qui est une
cause de perte spirituelle et temporelle pour le plus grand nombre.
Cette détresse se traduit par cette confidence reçue des milliers
de fois : « ... nous ne sommes que de jeunes travailleurs
et de jeunes travailleuses... nous devons tomber et vivre en état de
péché mortel ».
Et — nous
devons y insister — nous ne pouvons pas leur jeter la pierre. Si
nous avions été à leur place, probablement que nous serions tombés
plus bas qu'eux. Leur chute et leur déchéance proviennent, pour la
plupart, de leur abandon, de leur isolement, de leur impuissance :
il leur était moralement impossible-de résister et de remonter
seuls.
Une vérité de Foi
2. —
Et pourtant, nous croyons, parce que c'est
un dogme
premier de notre foi, que tous ces
jeunes travailleurs et toutes ces jeunes travailleuses sont
appelés par Dieu Lui-même à une destinée divine magnifique,
qui est leur seule raison d'être,
l'unique fin de leur vie temporelle et
éternelle. « Pas des bêtes de somme, des machines et des
esclaves ; mais des fils de Dieu, des collaborateurs de Dieu,
des héritiers de Dieu ». Et cette
destinée divine ne commence pas après
la mort ; non, elle s'incarne dans leur vie temporelle, elle se
développe et s'épanouit dans tous les aspects de cette vie
temporelle ; aujourd'hui comme jeunes travailleurs, membres de
familles ouvrières ; demain comme fiancés et époux,
fondateurs à
leur tour de foyers ouvriers ; pères et mères de nouveaux
élus, de nouveaux membres du corps mystique du Christ, appelés tous
à la sainteté, à l'apostolat, peut-être au sacerdoce et à la vie
religieuse. Tous, ont dès ici-bas, dans leur vie de jeunes
travailleurs, dans leur vie familiale, sentimentale, professionelle,
dans leur vie journalière et habituelle,
un apostolat personnel à remplir, apostolat irremplaçable,
nécessaire à l'Eglise pour
l'accomplissement de sa mission rédemptrice.
Un scandale tragique
Et
c'est là le scandale tragique :la contradiction qui existe entre cette
vérité de foi et cette vérité d'expérience :d'un côté, leur vocation divine, par,
dans et pendant leur vie de jeunes travailleurs ; et de l'autre
côté, les conditions mêmes de cette vie qui les éloignent de
cette vocation divine et la rendent pratiquement irréalisable.
Et c'est
cette contradiction qui, je le répète, est la cause de la ruine
temporelle, et qui sait, peut-être de la perte éternelle d'un très
grand nombre de jeunes travailleurs. C'est cette contradiction qui
éloigne de l'Eglise la jeunesse ouvrière qui est la classe ouvrière
de demain. C'est cette contradiction qui expose aux fausses
mystiques, au néo-paganisme et à l'athéisme modernes la masse des
jeunes travailleurs de tous les pays.
Pas de solution extérieure
Or, —
et c'est ici la vérité fondamentale qui
est à la base de tout le Jocisme — pour
faire cesser cette contradiction désastreuse,
personne ne peut remplacer les
jeunes travailleurs eux- mêmes. Eux
qui en sont les victimes doivent en devenir les vainqueurs. C'est
« par eux, entre eux et pour eux », que cette
contradiction doit disparaître.
Personne
ne peut les remplacer dans cette rouvre de
salut personnel, comme personne ne peut
les remplacer dans leur vie spirituelle, morale, intellectuelle,
sentimentale, professionnelle, civique, dans toute
leur vie laïque. Personne — ni les
parents, ni les instituteurs, ni les patrons, ni les pouvoirs
publics, ni le clergé, ni le Pape, ni les évêques, ni les prêtres,
ni les religieux — personne ne peut se substituer à eux, personne
ne peut résoudre à leur place les problèmes qui se posent à eux,
entre eux, pour eux.
Personne
ne peut les remplacer, mais tout le monde — Eglise, Etat, patrons,
école, parents — devrait aider, dans sa sphère et dans son
rayon ; tout le monde devrait apporter la
collaboration nécessaire pour faire
disparaître les obstacles, et pour assurer les secours nécessaires
au relèvement temporel et au sauvetage éternel des jeunes
travailleurs.
Une solution efficace
Il
n'y a qu'une solution
efficace, celle voulue par la
Providence dans l'ordre de la création comme dans l'ordre de la
Rédemption ; celle proclamée par Pie XI : « Les
premiers apôtres, les apôtres
immédiats des jeunes travailleurs, seront les jeunes travailleurs ».
Il
faut donc une organisation de jeunes
travailleurs et de jeunes travailleuses
qui les tire de leur isolement, de leur abandon et de leur
impuissance ; qui les groupe, les forme, les aide et les
représente pour leur apprendre et leur permettre de rechristianiser
toute leur vie, tous les milieux, toute la masse
des jeunes travailleurs, conformément à leur vocation divine et au
plan divin.
Et j'y
insiste immédiatement : pas un groupement, une organisation
quelconques, avec n'importe quel but et n'importe quels moyens, mais
une organisation de jeunes travailleurs et de jeunes travailleuses où
« entre eux, par eux et pour eux », ils s'entraîdent et
se soutiennent pour rechristianiser leur propre
vie — toute leur vie — leur propre
milieu — tout leur milieu — la vie
et le milieu de la masse
de leurs compagnons et de leurs camarades de travail.
Une organisation adaptée
Il faut donc
une organisation qui soit à la fois et indissolublement :
a)
une école d'apostolat
laïc dans leur vie, leur milieu, auprès de la masse de leurs
camarades ;
b)
un service d'apostolat laïc
dans leur vie, leur milieu, auprès de la masse de leurs camarades ;
c) un
corps représentatif d'apostolat laïc
dans leur vie, leur milieu, auprès de la masse de leurs camarades.
Une école
ECOLE
PRATIQUE, école d'apprentissage, où
ils apprennent à voir, à juger, à réaliser la valeur apostolique
de toute leur vie, dans tous ses aspects, dans tous ses détails, les
plus humbles, les plus journaliers, chez eux, à la maison, dans leur
quartier, à leur rue, à l'usine, au bureau, en route vers le
travail, pendant les repas et les repos de travail, pendant leur
temps libre, partout et toujours, dans leurs fréquentations, leurs
fiançailles, leur mariage ; école non pas théorique, ni
purement doctrinale, mais école où ils s'exercent, où ils mettent
au point, où ils réalisent eux-mêmes leur propre formation ;
école essentiellement active, agissante, réalisatrice, avec ses
enquêtes, ses réalisations, qui inculquent un sens social, un
esprit social, une conduite sociale, beaucoup plus prenante que
toutes les leçons et tous les cours qui laissent les auditeurs
passifs et inactifs ; école qui leur révèle la beauté, la
grandeur de leur humble vie de jeunes travailleurs, qui les exalte,
et opère dans toute leur vie cette unité indispensable qui leur
donne avec la force de la conviction et du caractère, la fierté de
leur vie chrétienne, apostolique et rayonnante ; école qui
transforme leur vie de jeunes travailleurs en un sacerdoce laïc et
en un apostolat laïc dont la fécondité étonne et ravit tous ceux
qui en sont les témoins.
Un service
SERVICE
CONCRET, pratique, méthodique qui pour tous les besoins de leur vie
de jeunes travailleurs apporte l'aide, le secours, l'assistance
nécessaires afin que l'effort demandé soit adapté à leur âge, à
leurs possibilités ; service pour tous les aspects de leur
vie : vie intellectuelle, morale, spirituelle, professionnelle,
récréative.
Un corps
représentatif
CORPS
REPRESENTATIF qui au nom de toute la jeunesse ouvrière fait les
démarches, présente les requêtes, agit sur l'opinion publique et
crée les conditions nécessaires et favorables au relèvement
intégral de toute la jeunesse ouvrière.
Ecole,
service, corps représentatif, qui
croît en une organisation puissante, capable d'attirer, d'inspirer
confiance, de galvaniser, d'enthousiasmer les jeunes travailleurs et
les familles ouvrières ; qui soit capable d'influencer le
milieu, les parents, la classe ouvrière, l'opinion publique, les
autorités publiques et privées ; qui sache surtout inspirer
aux jeunes travailleurs les sacrifices, les efforts, les conquêtes
nécessaires pour la révolution spirituelle et morale qu'elle veut
engendrer.
Cette
organisation de jeunes travailleurs, pour avoir l'efficacité, le
dynamisme, l'autorité, le prestige, la puissance voulus devra être :
Autonomie
a)
Autonome : dirigée par des jeunes travailleurs, propagée par
eux, édifiée, réalisée, payée par eux. Son organisation, sa
doctrine, sa direction, ses services, ses compagnons devront bien
être les leurs. Localement, régionalement, nationalement, c'est de
leur mouvement qu'il s'agit, dont ils ont la responsabilité.
Organisation libre et volontaire, imposée ni par l'Etat, ni par
l'Eglise ; plus elle appartient aux Jeunes Travailleurs, plus
elle s'identifie avec eux, et s'adapte à eux, mieux elle exprime
leurs besoins et leurs aspirations, parle leur langage et incarne
leur idéal, mieux elle les défend et les forme, et plus elle est
efficace pour l'Eglise, pour le Pays, pour la classe ouvrière,
contre les fausses mystiques, le paganisme et l'athéisme.
Unité
b)
Nationale :dans
son organisation, sa direction, sa vie, son action, ses services, ses
réalisations pour pouvoir résoudre tous les problèmes, tous les
besoins des jeunes travailleurs. Unité
et discipline nationales, avec des
fédérations régionales et ses sections locales, librement et
volontairement mais étroitement et
intégralement unies entre elles et au centre national. Devant
pouvoir agir sur tous les aspects de la vie laïque des jeunes
travailleurs, aspects personnel, familial, professionnel, récréatif,
physique, social, civique, elle doit constituer une force dans le
pays, s'adaptant le plus étroitement possible à la situation même,
aux institutions, aux mœurs du pays.
c)
Tout en étant nationale, elle sera
mondiale d'esprit, d'aspiration et de
relations, voulant avec toutes ses organisations soeurs de tous pays,
de toute langue et de toute race, constituer le front mondial de
l'apostolat catholique, qui contre les erreurs et les dangers veut la
conquête d'une jeunesse nouvelle pour un monde nouveau. Conquête
positive, réalisatrice et nullement négative ; conquête
éminemment pacificatrice et réconciliatrice.
Caractère hiérarchique
d)
Cette organisation sera hiérarchique,
en tout, pour tout, sans condition, soumise à la Hiérarchie.
Institution publique, officielle,
mandatée par l'Episcopat, elle
participe dans l'Eglise, à l'apostolat de la Hiérarchie, sous sa
direction, sous son contrôle, avec son autorité.
L'organisation
des jeunes travailleurs n'est donc pas un parti politique, ni
syndical, ni une association privée, purement temporelle, le but
particulier ou personnel. Elle est la
forme du laïcat d'Action Catholique adaptée au problème de
l'adolescence et de la jeunesse salariée, forme authentique,
comme dit le Saint-Père, type achevé
de l'Action
Catholique.
C'est cette
organisation que veut être la J.O.C. dans tous les pays où elle est
admise par la Hiérarchie.
Masse et Elite
Masse
La
J.O.C. est donc par définition, par son but, par sa composition et
par ses méthodes, une organisation de
masse. Elle veut influencer, conquérir
la masse, transformer la vie de la masse, rechristianiser le milieu
de la masse, répondre aux besoins de la masse.
La
J.O.C. veut agir dans la masse, parmi la
masse, dans le milieu où vit et travaille la masse.
La J.O.C.
n'agit donc pas à distance, à l'écart, loin de la masse. Elle
n'éloigne pas de la masse, ne déracine pas de la masse, ne forme
pas des exilés de l'intérieur. Elle n'agit pas dans des locaux
fermés, des milieux artificiels, des tours d'ivoire. Elle ne donne
pas un esprit de chapelle, un esprit de clan.
Vie,
milieu, masse restent les trois pierres de touche qui ne trompent
jamais sur la vraie J.O.C.
Elite
Et
pourtant, si la J.O.C. est une organisation de masse, parce qu'elle
est une organisation de masse, elle est également et essentiellement
une organisation d'élite, une école
de chefs, de dirigeants, de militants, d'apôtres. Une école
complète, et intégrale, formant aux plus hautes exigences et aux
plus hauts sommets de la vie spirituelle, ascétique, morale,
apostolique, sociale et politique.
L'apostolat
dans la masse est un apostolat difficile, dangereux. II exige une
formation profonde et persévérante, capable de résister à toutes
les tentations, toutes les séductions, toutes les brimades, toutes
les persécutions et surtout tous les insuccès et toutes les
déceptions.
Mais
de nouveau, pas
une élite en marge de la masse, éloignée de la masse, étrangère
et parfois hostile à la masse.
Non,
le levain dans la pâte, le sel dans In
nourriture ; pas à côté, pas il distance, mais à
l'intérieur, mais dedans.
Le levain
pour la pâte, pour la transformation, pour le relèvement, pour le
salut de la pâte.
L'élite
appartient à la masse, au milieu, au niveau de la masse,
travaillant, agissant, militant dans la masse, dans le milieu de la
masse, dans la vie de la masse.
Et la
J.O.C. doit être par toute son organisation, toute son action,
toute sa formation, par tous
ses services, par toutes ses réunions, par toutes ses réalisations,
une école de chefs, une
école pour l'élite.
Une école locale, régionale et nationale.
Certes,
elle a des publications,
des méthodes spéciales
pour la formation de ces chefs :
localement,
ses cercles d'études, ses réunionsdecomité ;
régionalement,
ses conseils régionaux, ses journées d'études, ses récollections
et ses retraites ;
nationalement,
ses conseils nationaux, ses comités nationaux, ses semaines
d'études.
Mais
toutes ces réunions, toutes ces publications ne sont que des
amorces, des mises au point pour la
véritable formation du chef, qui
est son action sur les membres, sur les
jeunes travailleurs, par toute l'organisation et l'action jocistes,
mais surtout dans toute la vie, dans
tout le milieu,
auprès de la masse des jeunes
travailleurs.
On est chef,
dirigeant, militant, apôtre, plus par ce qu'on est, par ce qu'on
fait — par ses pensées, ses sentiments, sa vie, sa conduite que
par toutes les paroles, toutes les fonctions, tous les titres dans
l'organisation, les réunions, loin de la vie et du milieu de la
masse.
Ce
sont les dirigeants et les militants qui sont les
vrais chefs de la J.O.C., avec toutes
les responsabilités, toute l'autorité, toutes les initiatives de
vrais chefs.
Tant valent
les chefs, les dirigeants et les militants, tant vaut la J.O.C.,
localement, régionalement, nationalement.
Chefs pour
tous les âges, tous les services, tous les milieux ;
chefs de 20 à 25 ans, de 17 à 20 ans, de 14 à 17 ans ;
chefs à la
section, à l'usine, au bureau, à la caserne, dans le quartier ;
chefs pour
la vente des journaux, pour la propagande syndicale, pour les
finances, la récréation.
La
formation des chefs, dirigeants et militants est la condition
essentielle de l'apostolat jociste. Ils
ne peuvent pas être formés en serre chaude, à côté du mouvement,
mais par et dans le
mouvement. Ensemble, chefs locaux, régionaux et nationaux, ils
forment l'Etat-Major de l'unique, de la grande J.O.C., unis les uns
aux autres par un grand esprit de corps, une grande amitié
surnaturelle, une émulation généreuse qui se manifeste d'une façon
émouvante dans les Semaines d'études, les Congrès, les grandes
manifestations jocistes.
Rôle de l'Aumônier
L'aumônier
n'est évidemment pas dans la J.O.C. le chef, le dirigeant, le
militant laïc ; il n'y exerce pas
un apostolat laïc, il n'y remplit
pas une fonction laïque. Il ne peut
pas remplacer, ni paralyser les chefs, les dirigeants et les
militants laïcs.
Cette
remarque est essentielle, elle est la condition de la véritable
Action Catholique. Nous disons souvent à nos confrères : « A
la porte de toutes les usines, de tous les ateliers, de tous les
bureaux, se trouve une plaque :
entrée interdite ». Pour avoir
là des missionnaires, des apôtres, des conquérants ; pour
que, eux laïcs, ils puissent parler, agir, avoir de l'influence et
de l'autorité sur leurs camarades ; pour qu'ils osent se
compromettre et sachent s'y exprimer et s'y conduire en apôtres, il
faut qu'ils l'aient compris, qu'ils s'y soient entraînés, à la
tête de la J.O.C., localement, régionalement, nationalement.
L'Eglise
n'aura jamais des apôtres laïcs, ne reconquerra jamais la vie, le
milieu, la masse laïque, si, à la tête de l'action catholique elle
n'a pas formé des chefs, des dirigeants, des militants, des apôtres.
L'aumônier
n'a donc pas à lui seul toute l'autorité, toute la responsabilité,
toute l'initiative. Sinon, il n'y a pas d'Action Catholique. Celle-ci
est une école, un service, un corps représentatif, qui apprend,
confie aux laïcs, une autorité, un mandat, une fonction qui doivent
être réels, effectifs, irrécusables. Pas de titres, pas du
camouflage, de la réalité.
L'aumônier,
par contre, n'a pas qu'un rôle de formation spirituelle, doctrinale,
de fonction spécifiquement et exclusivement religieuse, comme les
leçons religieuses, la direction spirituelle.
L'aumônier
est à tous les stades de l'organisation — national, régional ou
local — le représentant de la
Hiérarchie. Il donne à toute
l'organisation, à toute l'Action, à toute la formation son
cachet, son caractère d'Action Catholique. Il
y est responsable de ce caractère, de cet esprit et y veillera à
toute l'organisation, à toute
l'action, à toute la formation, telle que l'exige l'institution
nationale voulue par la Hiérarchie. Rien de ce qui intéresse
l'organisation — même son administration et ses finances — ne
lui échappe. Il a la garde et le contrôle de tout.
Il est
surtout comme prêtre,
celui qui aide à découvrir, à susciter, à éveiller et à
épanouir les vocations jocistes et qui
aide sacerdotalement à la formation
intégrale des dirigeants et des militants. Dépositaire de la
personne, de la grâce et de la doctrine du Christ, c'est lui qui la
fera entrer dans la vie, dans la conduite, dans l'apostolat de ses
militants et de toute l'organisation.
L'aumônier
est surtout à sa place, le gardien, le
soutien de tout
l'ensemble de la J.O.C., élargissant
continuellement l'horizon des militants et des membres à tout le
champ d'action de la J.O.C. : la conquête de toute là jeunesse
ouvrière, et de tout le pays, et du monde entier.
Si nous
disons : « Tels dirigeants, telle J.O.C. », on doit
dire aussi : « Tel aumônier, tels dirigeants, tels
militants, telle J.O.C. ». « In manibus vestris sortes
meae » a l'habitude de dire le Saint-Père en parlant des
aumôniers.
Jamais
dans l'histoire de l'Eglise, la paternité spirituelle du prêtre n'a
été exaltée comme par l'Action Catholique ; c'est au prêtre
à donner et à multiplier dans l'Eglise des apôtres laïcs sans
lesquels la reconquête du monde laïc est impossible. C'est à lui à
susciter et à épanouir contre le laïcisme destructeur, le laïcat
sauveur de la civilisation chrétienne.
Prévenir les déceptions
Besogne
admirable que celle de l'aumônier d'Action Catholique en général,
de l'aumônier jociste en particulier. Besogne difficile, lente, qui
exige une patience et une persévérance, capablesde résister a toutes les déceptions et à
tous les insuccès, et capable de tous les renoncements. L'aumônier
doit rester le plus jeune parmi la jeunesse ouvrière : le plus
jeune par la foi, par l'espérance et par la charité ; le plus
jeune par l'enthousiasme et par l'optimisme. Tous les vrais aumôniers
jocistes sont d'accord pour dire que la J.O.C. les a merveilleusement
enrichis ; plusieurs avoueront qu'elle a transformé totalement
leur apostolat et leur vie sacerdotale.
Révolution jociste
C'est
que la J.O.C. a révélé dans la jeunesse ouvrière des ressources,
des richesses insoupçonnées. Quelle révolution dans la vie de nos
militants et de nos dirigeants ! Quelle nouvelle conception du
travail, de l'amour, de la jeune fille, de la famille, de la vie !
Quelle découverte, quelle révélation pour tous que la
compréhension de la valeur apostolique
de leur vie, de leur travail, de leurs fréquentations !
Quelle transformation dans leurs pensées, leurs sentiments, dans
leurs journées, dans toute leur vie ! La signification
religieuse, apostolique de leur humble vie de travailleurs et de
travailleuses est pour la plupart un
véritable retournement. C'est vraimentune jeunesse
nouvelle, ce sont des fiançailles
nouvelles, des
foyers nouveaux, des
familles nouvelles, des
milieux de travail nouveaux.
L'impression et l'influence déjà produites sur la classe ouvrière
et sur toute la société dépasse toutes les prévisions et toutes
les espérances.
Contre les fausses mystiques
Et
surtout comme l'expérience confirme cette vérité évidente !
Contre toutes les fausses mystiques, contre le communisme athée,
contre le nationalisme païen, contre le matérialisme jouisseur, la
vraie solution est ici : Rendre à
la vie toute sa valeur divine, rendre à l'homme sa vraie vocation
divine. Lui donner cette conception
intégrale de la religion, de l'Eglise, de l'apostolat qu'il a à
exercer dans le plan divin. Mais ne pas se contenter de paroles, de
phrases, de discours ; le réaliser.
Mettre sur pied cette chrétienté nouvelle, positive, conquérante,
qui met de
l'unité dans la vie personnelle, familiale, sociale, nationale et
internationale en imprégnant tout d'une âme religieuse. Et pour
cela, organiser le laïcat. Quel
contrepoison, quelle immunisation, quelle apologétique ! L'âme
de vérité qui attirait dans toutes les erreurs modernes n'a plus
d'emprise, parce qu'elle se retrouve, combien plus belle et plus
totale, dans l'Action Catholique, qui est le vrai moteur, le vrai
dynamisme, la vraie mystique, qui dépasse et confond toutes les
fausses mystiques.
Un monde nouveau
A cette
heure décisive où les deux conceptions du monde et de la vie
s'affrontent dans le duel le plus tragique de l'histoire, quelle joie
et quelle espérance de voir s'étendre, s'élargir et s'approfondir
le front catholique mondial de la J.O.C. !
Nous
vivons à une époque de
faux~messianisme, prêt à tous les
extrémismes et à toutes les persécutions ! Fasse Dieu que
l'année 1938 ne nous rapporte plus les horreurs d'une nouvelle mêlée
sanguinaire, qui nous conduirait à une nouvelle barbarie ! Pour
prévenir la guerre ou pour reconstruire sur les ruines un monde
nouveau, la J.O.C. mondiale aura son rôle providentiel à jouer.
Puissions-nous
nous unir toujours davantage autour du Souverain Pontife, autour de
Nos Seigneurs les Evêques pour la formation et l'expansion de cette
jeunesse ouvrière nouvelle, messagère de la justice et de la
charité, gardienne de la paix, constructrice d'un monde nouveau sous
la Royauté du Prince de la Paix, l'enfant divin de Bethléem, le Roi
éternel des siècles, le Christ-Ouvrier !